Devient-on un homme lors de sa première éjaculation ?
Comment s'appelle la première éjaculation d'un garçon ? Eh bien, on ne sait pas trop. Dans la littérature scientifique, on trouve (prenez une grande inspiration) : thorarche, séménarche, spermarche, éjacularche, polluarche, masturbarche. (Le suffixe -arche, qui se prononce “ark” comme dans archéologie, marque le commencement de quelque chose : la ménarche est la période où les filles connaissent leurs premières règles.) (Le premier qui parle de kamoulox a perdu.)
Mais peut-on vraiment parler d'un tournant clair, d'un marqueur de passage à l'âge adolescent ? C'est compliqué. Par exemple, cette première éjaculation peut être volontaire ou involontaire : est-ce qu'on passe soi-même à l'adolescence, ou est-ce un processus passif ? Quid des pollutions nocturnes ? Quid des masturbations alors que les garçons sont encore impubères ? Est-ce le plaisir qui compte, ou l'émission d'une substance ? L'équivalent de la thorarche, pour les femmes, est-elle la première menstruation (expérience plutôt désagréable) ou le premier orgasme féminin (plutôt agréable, mais souvent plus tardif) ?
Ce qui est remarquable, c'est de constater à quel point le sujet est peu discuté. Selon cette étude, 92% des jeunes filles savent à peu près un chouïa à quoi s'attendre côté ménarche, mais seulement 28% des petits garçons ont reçu de l'information sur la thorarche. Le tabou est plus fort, au point de créer une expérience humaine parfois totalement impensée (la plupart des parents n'y ont jamais réfléchi). Il semble que les garçons eux-mêmes intègrent ce silence : ils n'en parlent pas, et quand on leur demande leurs impressions, on trouve de la surprise, de la curiosité, du plaisir… mais aussi de la confusion et de la détresse.
Comme le note l'auteur du rapport, on a redoutablement peu de sources sur cette question. Certains travaux datent du début des années 2000, ensuite on remonte jusqu'aux années 40 et 70 : comment peut-on considérer comme marqueur social un événement invisible ?
En ces heures de questionnements autour des masculinités, le flou autour de la thorarche (à commencer par l'absence de dénomination simple et répandue) montre à quel point le corps masculin est le grand oublié de notre regard, de notre discours, de notre attention. Et la vôtre, alors ? C'était comment, cette thorarche ?
Source : gqmagazine.fr